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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

— Ne me demandez pas ma main, — dit-elle d’un ton suppliant, — ne me demandez pas ma main. Le jour viendrait où vous regretteriez votre choix. Oh ! je vous en supplie, laissez-moi, Clément ; vous avez été très-bon pour moi, et ce serait bien mal reconnaître vos bontés que de…

— Que de me rendre heureux au possible, n’est-ce pas, Margaret ? Je crois que ce ne serait qu’une charmante preuve de gratitude. N’ai-je pas couru tout Clapham, Brixton et Wandworth sans compter une excursion dans Putney, pour vous procurer une demi-douzaine d’élèves, et la première faveur que je vous demande, faveur qui n’est autre que le don de cette adroite petite main, vous avez l’audace de me la refuser net ?

Il attendit quelques instants dans l’espoir que Margaret dirait quelque chose, mais sa figure resta détournée, et la main tremblante que Austin retenait essaya d’échapper à son étreinte.

— Margaret, — dit-il très-gravement, — j’ai peut-être été imprudent et présomptueux dans tout ceci. S’il en est ainsi, je mérite d’être désappointé, quelque amer que puisse être le désappointement. Si j’ai eu tort, Margaret, si je me suis laissé tromper par vos charmants sourires, vos douces paroles, par pitié, dites-moi qu’il en est ainsi, et je vous pardonnerai de m’avoir trompé involontairement, et j’essayerai de me guérir de ma folie. Mais je ne sortirai de ce salon, je n’abandonnerai la chère espérance qui m’y a amené ce soir que lorsque vous m’aurez avoué franchement que vous ne m’aimez pas. Parlez, Margaret, parlez sans crainte.

Mais Margaret garda toujours le silence. Seulement dans ce silence, Clément distingua un sanglot étouffé.

— Margaret, chère aimée, vous pleurez. Ah ! je sais maintenant que vous m’aimez, et je ne partirai d’ici que comme votre fiancé.