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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

J’essayai comme je pus de traîner mon fardeau et de revêtir un visage qui voilât les chagrins de mon cœur. Jusqu’au moment de la courte apparition de Margaret par cette froide nuit d’hiver, j’avais caressé l’espoir, plus que l’espoir même, la conviction que nous serions réunis ; mais après cette nuit ma vieille foi dans un avenir heureux s’écroula, et l’idée que la fille de Wilmot avait quitté l’Angleterre se transforma petit à petit en certitude.

« Je ne la reverrais plus. Telle était mon idée maintenant. Il n’y aurait plus de soleil dans ma vie, et il ne me restait plus qu’à me résigner au calme d’une existence dans laquelle les tranquilles devoirs de la carrière d’un homme d’affaires laissaient bien peu de place au chagrin stérile et aux lamentations. Mon chagrin faisait partie de mon existence, mais ceux-là mêmes qui me connaissaient le mieux étaient inhabiles à sonder la profondeur de ce chagrin. Pour eux j’étais uniquement un homme sérieux, sérieusement adonné aux détails ingrats du monde des affaires.

« Dix-huit mois s’étaient écoulés depuis la froide nuit d’hiver pendant laquelle on m’avait remis la boîte de diamants ; dix-huit mois si lents et si calmes, que je commençais à me sentir un vieillard, plus âgé que beaucoup de vieillards, en ce sens que j’avais survécu au naufrage du brillant espoir qui me rendait la vie chère. On était au milieu de l’été et le salon de la maison de Saint-Gundolph Lane, dans lequel je travaillais en vertu de ma nouvelle position, semblait particulièrement chaud, lourd, poudreux et désagréable. Le travail que j’avais à faire et qui était très-long et très-pénible m’indisposa, et je fus sommé, sous peine d’affreux accidents dont me menaça solennellement le médecin favori de ma mère, de prendre quelques jours de repos.

« J’obéis fort à regret, car, si étouffante que fût