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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

à la mémoire de
J. W.
mort le 19 décembre 1853.
seigneur ! prenez pitié d’un pécheur !

« J’examinais encore cette courte inscription quand j’entendis le frôlement d’une robe de femme sur l’herbe, et me retournant soudainement j’aperçus mon adorée qui venait vers moi, très-pâle, très-réfléchie, mais ayant sur le visage une sorte de résignation angélique qui me la fit paraître plus jolie que jamais.

« Elle tressaillit à ma vue, mais elle ne s’évanouit pas. Seulement elle pâlit davantage et mit ses deux mains sur son cœur.

« Je l’obligeai à prendre mon bras et à s’appuyer dessus, et nous nous promenâmes le long du sentier étroit, causant jusqu’à ce que le dernier rayon du jour se fût effacé du ciel.

« Tout ce que je pus lui dire suffit à peine pour ébranler sa résolution, pour déraciner sa conviction que le crime de son père était une insurmontable barrière entre elle et moi. Mais quand je lui parlai de mon existence brisée, quand, dans l’ardeur de mon discours, elle put voir la preuve d’une constance que rien ne pouvait diminuer, je vis qu’elle faiblissait.

« — Clément, me dit-elle, je désire surtout vous voir heureux. Ma vie jusqu’à ce jour a été si malheureuse, que je tremble à l’idée de l’attacher à la vôtre. Avez-vous songé à la honte, Clément ? Que répondrez-vous à ceux qui vous demanderont le nom de votre femme ?

« — Je leur répondrai qu’elle n’a pas d’autre nom que celui qu’elle a bien voulu accepter de moi. Je leur dirai qu’elle est la plus noble et la plus char-