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HENRY DUNBAR

mante des femmes, et que son histoire est une histoire de vertu et de dévouement sans pareils.

« Le lendemain matin de bonne heure j’envoyai une dépêche télégraphique à ma mère, et dans l’après-midi l’excellente femme arrivait à Kylmington pour embrasser sa future fille. Nous nous assîmes dans le petit parloir de l’Ermitage, mélancolique habitation ayant vue sur la plage, et d’où l’on voyait une étendue de sable, de boue et d’eau stagnante dans des trous verdâtres. Margaret nous raconta l’histoire du repentir de son père.

« — Nul repentir ne fut plus sincère, Clément, dit-elle, car elle paraissait craindre que nous missions en doute la possibilité du repentir chez un criminel comme Wilmot. Mon pauvre père… mon père malheureux et persécuté !… oui, persécuté et lâchement sacrifié, Clément, il ne faut pas oublier cela. Vous ne devez pas oublier qu’il fut d’abord sacrifié, et bien cruellement par l’homme qu’il a tué. Quand nous arrivâmes ici, son esprit s’appesantissait là-dessus et il semblait envisager son action comme l’eût fait un sauvage ignorant dont la foi infernale lui eût enseigné à considérer cette action comme un acte de vengeance légitime. Insensiblement j’arrachai mon père à de semblables idées et je l’amenai à penser au temps où lui et M. Dunbar étaient jeunes tous les deux, liés par une sorte d’amitié, avant la création des billets faux et avant les malheurs qui en furent la suite. Il songea à son vieux maître et le revit tel qu’il l’avait connu d’abord. Son cœur s’adoucit, et ce fut de cet instant que commença son repentir. Il regretta son action. Nulle parole ne saurait peindre son chagrin, Clément, et je souhaite que vous n’ayez pas comme je l’ai eu le spectacle des angoisses d’une âme coupable. Dieu est très-miséricordieux. Si mon père n’avait pas échappé au châtiment et s’il avait