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HENRY DUNBAR

il posa lourdement sa main sur l’épaule de son compagnon, rapprocha ses lèvres de l’oreille du banquier et lui dit à voix haute, car il ne lui était pas facile de se faire entendre à cause du bruit des roues du cab :

— Dunbar, vous êtes un gaillard très-habile, et je suppose que vous vous croyez bien plus fin que moi, mais morbleu, si vous voulez me jouer quelque tour, vous verrez que vous avez tort. Il faut que vous m’assuriez une rente. Comprenez-vous ? Avant d’aller à droite ou à gauche ou de penser que vous êtes votre maître, il faut m’assurer une rente.

Le banquier fit lâcher prise à son compagnon et se tourna vers lui pâle, sévère et le regard plein de défi.

— Prenez garde, Stephen Vallance, — dit-il, — prenez garde à vos menaces. J’aurais cru que vous me connaissiez depuis longtemps et que vous seriez assez avisé pour brider votre langue avec moi. Quant à ce que vous me demandez, je le ferai ou non… suivant que je le jugerai convenable. Si je le fais, je choisirai mon heure et non la vôtre.

— Vous n’avez donc pas peur de moi ? — demanda l’autre se reculant un peu et parlant d’un ton radouci.

— Non !

— Vous avez beaucoup d’audace.

— Peut-être bien. Vous souvient-il de la vieille histoire à propos de ces gens qui possédaient une poule qui pondait des œufs d’or. Ils étaient avides et dans leur stupide cupidité ils tuèrent la poule. Mais leur exemple n’a pas été transmis à la postérité comme un exemple de sagesse. Non, Vallance, je n’ai pas peur de vous.

Vallance se renversa dans le cab rongeant ses ongles avec fureur et songeant. Il avait l’air de chercher une réponse aux paroles de Dunbar ; mais s’il en était ainsi, il ne put y parvenir, car il garda le silence du-