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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

rant tout le reste du trajet, et quand il descendit du véhicule devant la porte de l’Hôtel Clarendon, ses manières avaient une ressemblance assez frappante avec celles d’un roquet qui porte la queue entre les jambes.

— Bonjour, Major Vernon, — dit le banquier avec indifférence pendant qu’un valet à livrée ouvrait la porte de l’hôtel, j’aurai fort à faire pendant les quelques jours que je passerai probablement encore à Londres, et je ne pourrai me permettre le plaisir de votre société.

Le Major fut stupéfié en se voyant congédier si froidement.

— Oh ! — murmura-t-il vaguement, — c’est ainsi que vous le prenez. Bien évidemment vous savez ce que vous avez de mieux à faire… ainsi donc, bonjour.

La porte se referma sur le Major Vernon tandis qu’il regardait encore tout droit devant lui sans pouvoir se faire une idée exacte de sa position. Mais il remonta plus haut encore son châle cachemire, tira un porte-cigare en maroquin écarlate, alluma un autre gros cigare, puis descendit tranquillement Westend Street, les sourcils contractés sous l’empire d’une forte préoccupation.

— Froid, — murmura-t-il les lèvres serrées, — très-froid pour ne par dire plus, certaines gens diraient même audacieux. Mais l’histoire de la poule aux œufs d’or est une des simples leçons de l’enfance dont on se souvient toute la vie. Et dire que le gouvernement de ce pays aurait l’infamie d’offrir une misérable centaine de livres pour la découverte d’un grand crime. Si les criminels sont en liberté, c’est la mesquinerie de la législature qui en est responsable. Mon ami est un fin matois, un très-fin matois, mais j’aurai l’œil sur lui. J’ai foi dans l’avenir, comme dit le poète. Mon bon ami a la haute main pour le quart d’heure, mais le jour