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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Il eût été possible que Dunbar cherchât à éviter la fille de Wilmot par suite de l’horreur naturelle que lui inspiraient les événements qui se rattachaient à son retour en Angleterre, mais il était difficile d’expliquer autrement que par sa culpabilité le honteux stratagème auquel il avait eu recours pour éluder une entrevue avec la jeune fille.

Il éprouvait une terreur insurmontable à l’idée de voir cette jeune fille parce qu’il était le meurtrier de son père.

En réfléchissant à cette affaire, Clément fut de plus en plus convaincu que sa terrible supposition était fondée, Dunbar était coupable. Il aurait bien voulu pouvoir dire à Margaret que le secret de la mort de son père était un mystère qui ne serait jamais éclairci sur cette terre. Mais il ne le put pas ; il ne put que courber la tête devant l’effrayante nécessité qui le poussait à jouer son rôle dans ce drame criminel : le rôle d’un vengeur.

Mais un caissier dans une maison de banque de Londres n’a pas beaucoup de temps pour jouer un rôle quelconque dans l’histoire de la vie en dehors de celui qui lui est assigné par son paisible métier, et qui semble consister surtout dans la fermeture et l’ouverture des coffres-forts, l’examen furtif des grands livres mystérieux, et le maniement des souverains neufs avec autant de calme que s’ils étaient des charbons de Wallsend ou de Clay-Cross.

La vie de Clément n’était pas une vie oisive, et il n’avait pas le temps de devenir agent de police amateur même pour servir la femme qu’il aimait.

Il n’avait pas le temps de devenir agent de police amateur, tant qu’il resterait dans la maison de banque de Saint-Gundolph Lane.

Mais pouvait-il y rester ? Cette question s’offrit à son esprit et revêtit une forme très-sérieuse. Était-il pos-