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HENRY DUNBAR

bien. J’ai bien réfléchi à ce que je vais faire et je sais très-bien que je renonce à un bel avenir en sacrifiant ma position actuelle. Mais la cause de ma démission doit rester secrète, pour le moment du moins. Si jamais le jour arrive où il me sera permis d’expliquer ma conduite, je crois que vous me tendrez la main et que vous me direz : Clément Austin, vous n’avez fait que votre devoir.

— Clément, — dit Balderby, — vous êtes un excellent garçon, mais certainement vous avez en tête quelque fantaisie romanesque, car s’il en était autrement vous n’auriez jamais écrit une pareille lettre. Allez-vous vous marier ? Est-ce là votre motif pour nous quitter ? Avez-vous fasciné quelque riche héritière ; et êtes-vous à la veille de vous retirer dans un splendide esclavage ?

— Non, monsieur. J’ai en effet l’espoir de me marier, mais celle qui deviendra ma femme est pauvre et je serai dans la nécessité de travailler toute ma vie.

— Très-bien ; alors, cher ami, c’est une énigme, et comme je le disais tantôt, je n’aime pas beaucoup à deviner les énigmes. Rentrez chez vous, dormez sur votre projet, et revenez demain matin me dire de jeter au feu cette lettre stupide… c’est ce que vous pouvez faire de mieux. Bonne nuit.

Mais malgré tout ce qu’avait pu dire Balderby, Clément ne changea pas de résolution. Il vint de bonne heure le matin et se retira tard le soir pendant tout le mois suivant. Il prépara les grands-livres, balança les comptes, et mit tout en ordre pour le nouveau caissier.

Il apprit à Margaret ce qu’il avait fait, mais il ne lui dit pas jusqu’où allait le sacrifice accompli pour elle. Elle fut la seule personne qui connût le motif réel de sa conduite, car le caissier ne s’expliqua pas plus longuement avec sa mère qu’avec Balderby.