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HENRY DUNBAR

nade avant le dîner. Que Dieu vous bénisse, ma pauvre Margaret ! — murmura Clément à l’oreille de la jeune fille qui le suivit jusqu’à la porte et le regarda d’un air pensif descendre l’escalier.

Mme Austin avait eu autrefois des vues ambitieuses relativement à la perspective matrimoniale de son fils, mais elle y avait renoncé complètement aussitôt qu’elle s’était aperçue qu’il était décidé à prendre pour femme Margaret. La bonne mère avait fait ce sacrifice volontiers et sans se plaindre, comme elle aurait fait tout autre sacrifice pour son fils unique qu’elle aimait tendrement, et son dévouement eut sa récompense, car Margaret, cette jeune fille sans fortune, sans amis, lui était devenue très-chère. C’était pour elle une fille qui lui était attachée non pas légalement, mais par les doux liens de la reconnaissance et de l’affection.

— J’étais une vieille folle si niaise, ma chère enfant, — dit la veuve à Margaret pendant qu’elle regardait dans la rue tranquille par la grande fenêtre, — j’avais des idées si mondaines que je voulais faire épouser à Clément quelque femme riche, afin d’avoir pour bru quelque pimbêche qui aurait méprisé la mère de son mari, éloigné de moi mon enfant et rendu ma vieillesse malheureuse. Voilà ce que je voulais, Margaret, et ce que j’aurais eu peut-être si Clément n’eût été plus sage que sa vieille mère. Et, grâce à lui, j’ai la plus douce, la plus franche et la plus radieuse fille qui ait jamais existé. Pourtant, vous n’êtes pas aujourd’hui aussi gaie, Margaret, que d’habitude, — ajouta Mme Austin d’un ton pensif, — vous n’avez pas souri une seule fois de toute la matinée, et on dirait que quelque chose vous préoccupe.

— J’ai songé à mon pauvre père, — répondit tranquillement Margaret.

— Sans doute, ma chère, et j’aurais bien dû le de-