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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Il n’était donc pas extraordinaire qu’une fois devenu maître des fortunes réunies de son père et de son oncle, Dunbar se tînt à l’écart d’une maison qui lui avait toujours été odieuse.

Les affaires avaient très-bien marché sans lui pendant son séjour dans l’Inde, et elles continuaient à bien aller sans lui maintenant, car sa place dans l’Inde avait été prise par un successeur très-entendu qui avait pendant vingt ans été le caissier de la maison de Calcutta.

Il se peut que le banquier gardât un fâcheux souvenir de sa dernière visite à Saint-Gundolph Lane le jour où les faux billets furent découverts par Percival et Hugh Dunbar. Les trente-cinq années qui s’étaient écoulées depuis cette époque pouvaient très-bien n’avoir pas effacé cette scène des pensées qui, ce matin-là, occupaient l’esprit de Dunbar.

Quoi qu’il en fût, ce jour-là les réflexions de Dunbar n’étaient évidemment pas d’une nature agréable. Il était très-pâle pendant que la voiture l’emportait de l’Hôtel Clarendon vers la Cité, et sa figure avait l’expression froide et fixe qu’on voit chez un homme qui se monte le moral pour faire face à quelque crise qu’il sait très-prochaine.

Il y eut un moment d’arrêt à Ludgate Hill. De grandes barricades en bois, des monceaux de pavés arrachés, au milieu desquels de vigoureux travailleurs se démenaient la pelle et la pince en main, et des brouettes chargées de balais barraient le chemin. La voiture tourna donc dans Farringdon Street, prit la montée de Snow Hill, et passa sous les murailles lugubres et menaçantes de Newgate.

Le véhicule avança très-lentement, car le mouvement était concentré dans ce quartier à cause de la barricade de Ludgate Hill, et Dunbar put contempler à son aise les murs noirs de la prison et les hommes