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HENRY DUNBAR

un crime, tout en se montrant fort empressé cependant à accuser de cette iniquité quelque malheureux vagabond.

Arthur dit à Clément que le banquier était toujours à Maudesley où le retenait prisonnier sa jambe cassée en voie de lente guérison.

Dunbar avait exprimé le désir de partir pour l’étranger malgré sa blessure, et n’avait renoncé à son projet de voyager que lorsqu’on lui avait déclaré qu’il pourrait rester boiteux toute sa vie s’il commettait une pareille imprudence.

— Soyez calme, soumettez-vous à toutes les nécessités de votre accident et vous serez bientôt guéri, — avait dit le chirurgien à son malade. — Si vous essayez de hâter l’œuvre de la nature, vous vous repentirez de votre impatience jusqu’à votre dernière heure.

Dunbar s’était donc vu forcé de se soumettre aux décrets du sort et de rester couché jour et nuit sur son lit, dans sa chambre à tapisseries, regardant le feu ou la figure de son valet, allongé dans un grand fauteuil auprès du foyer, ou écoutant les cendres qui tombaient de la grille et le gémissement du vent d’hiver à travers les branches dénudées des ormeaux.

Le banquier se rétablissait de jour en jour, au dire d’Arthur. Ses domestiques pouvaient le transporter d’une chambre dans l’autre ; on avait fabriqué pour lui une paire de béquilles, mais il n’avait pas encore pu les essayer. Il était obligé de se contenter de rester assis dans un fauteuil, où on l’installait avec des couertures et une peau de léopard sur les jambes. Aucun homme ne pouvait être plus complètement prisonnier que ne l’était devenu celui-ci par ce fatal accident du chemin de fer.

— La Providence l’a mis en mon pouvoir, — dit Margaret lorsque Clément lui répéta ce qu’il avait appris d’Arthur ; — la Providence a mis cet homme en