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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

tinée ? Je n’entrerai pas avec vous dans l’abbaye, car il vaut tout autant que Dunbar ignore ma présence dans le voisinage. Je vais me promener de long en large par ici et je vous attendrai.

— Mais il peut se faire que vous ayez longtemps à attendre, Clément.

— Peu importe. J’aurai de la patience ; et je ne me sens pas la force de m’en retourner à Shorncliffe en vous laissant ici, Margaret.

Ils étaient debout devant les grandes grilles de fer au moment où Clément disait cela. Il serra la main de Margaret qu’il sentait glacée même à travers le gant qui la recouvrait, puis il sonna. Elle le regarda tandis que la porte s’ouvrait. Elle se tourna vers lui et lui lança un coup d’œil étrangement sérieux au moment de franchir la limite de l’habitation de Dunbar, et ensuite elle s’achemina lentement le long de la grande avenue.

Ce dernier regard avait montré à Clément une figure pâle et résolue, quelque chose comme la physionomie d’une belle et jeune martyre allant tranquillement au bûcher.

Il s’éloigna des portes et elles se fermèrent derrière lui avec un bruit retentissant. Ensuite, il revint sur ses pas et regarda la silhouette de Margaret qui devenait de moins en moins visible au milieu des ombres du soir à mesure qu’elle approchait de l’abbaye. Une faible lueur rouge était projetée par le foyer sur l’allée carrossable qui passait devant les fenêtres des appartements de Dunbar, et il y avait un valet de pied qui prenait l’air sous le porche qu’éclairait la lampe suspendue dans le vestibule.

— Je ne suppose pas que j’aurai bien longtemps à attendre ma pauvre chère aimée, — se dit Clément en quittant les portes et arpentant avec rapidité le grand chemin. — M. Dunbar est un homme résolu. Il refusera