Page:Braddon - Henry Dunbar, 1869, tome II.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
HENRY DUNBAR

attendant qu’elles puissent s’établir à leur compte avec un homme de leur choix.

Il bâilla et continua à regarder les grolles sans s’inquiéter plus longtemps de l’impertinente jeune personne, qui avait osé se présenter à la grande entrée.

Margaret ouvrit la porte et entra dans la chambre située à côté du vestibule.

C’était un bel appartement rempli de livres du parquet au plafond ; mais il était complètement désert, et il n’y avait pas même de feu dans la grille. La jeune fille releva son voile et regarda autour d’elle. Elle était très-pâle alors et tremblait violemment ; mais elle domina son agitation par un grand effort, et elle s’achemina vers la chambre voisine.

La seconde pièce était vide comme la première, mais la porte qui la séparait de la troisième était toute grande ouverte, et Margaret vit la lueur du foyer briller sur la tapisserie fanée, et se refléter sur l’ameublement en chêne poli. Elle entendit le faible bruit des cendres légères qui tombaient du foyer et le ronflement d’un chien.

Elle comprit que l’homme qu’elle avait cherché, et cherché si longtemps sans résultat, était dans cette chambre et seul, car il n’y avait aucun murmure de voix, aucun bruit dans l’appartement. Ce moment, que Margaret avait regardé comme la grande crise de sa vie, était enfin venu. Son courage l’abandonna tout à coup, et le cœur lui fit défaut sur le seuil même de cette chambre où elle allait se trouver face à face avec Dunbar.

— Le meurtrier de mon père ! — songea-t-elle ; — l’homme dont l’influence a gâté la vie de mon père et l’a fait ce qu’il était ; l’homme par la coupable insouciance duquel mon père a mené l’existence horrible qui l’avait si peu préparé à la mort ; l’homme qui, sachant cela, a envoyé sa victime devant un Dieu offensé,