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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

Il s’assit sur une chaise auprès de son lit et la regarda pendant quelques moments en silence, tandis que sa mère se tenait à ses côtés presque aussi inquiète que lui.

Le bras de Margaret pendait nonchalamment, aussi insensible dans son attitude que si déjà il avait appartenu à la mort. Clément prit cette main délicate dans la sienne. Il s’était attendu à la trouver sèche et brûlante de fièvre, mais à sa grande surprise elle était froide comme un morceau de glace.

— Margaret, — dit-il d’une voix grave et sérieuse, — vous savez combien je vous ai tendrement aimée et combien je vous aime ; vous savez combien mon bonheur dépend entièrement du vôtre ; vous ne voudriez donc assurément pas, ma bien-aimée, me refuser… vous ne pouvez pas avoir la cruauté de faire un secret de vos chagrins pour celui qui a si bien le droit de les partager. Parlez-moi, ma chérie. Songez aux souffrances que vous m’infligez par ce cruel silence.

À la fin les yeux noirs de Margaret perdirent un peu de leur fixité et se tournèrent vers le visage de Clément.

— Ayez pitié de moi, — dit la jeune fille d’une voix rauque et indistincte. — Ayez pitié de moi, car j’ai besoin de la miséricorde des hommes aussi bien que de celle de Dieu. Ayez quelque compassion pour moi Clément, et laissez-moi, je vous parlerai demain.

— Vous me raconterez tout ce qui est arrivé ?

— Je vous parlerai demain, — répondit Margaret, regardant son amant avec un visage pâle et rigide ; — mais laissez-moi maintenant… laissez-moi… ou je me sauverai de cette chambre et loin de cette maison. Je deviendrai folle si vous ne me laissez pas seule.

Clément se leva du siège qu’il occupait au chevet de la malade.