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HENRY DUNBAR

— Pour me dire quoi, Margaret ? — demanda Clément. — Est-ce moi qui deviens fou, ou est-ce que ceci est un rêve ?

— Ce n’est pas un rêve, monsieur Austin. Ma lettre n’aurait fait que vous dire la vérité. Je m’éloigne d’ici parce que je ne puis jamais être votre femme.

— Vous ne pouvez jamais être ma femme, pourquoi… Margaret ?…

— Je ne puis vous en dire la raison.

— Mais vous me la direz, Margaret, — s’écria Clément avec véhémence. — Je n’accepterai pas une sentence pareille sans savoir la raison qui vous la fait prononcer ; je ne souffrirai pas qu’une barrière imaginaire vienne se placer entre vous et moi. Il y a un mystère, il y a quelque mystification dans tout ceci, Margaret, une fantaisie féminine que quelques mots d’explication calmeront. Margaret, mon amie !… pensez-vous que je consentirai aussi aisément à vous perdre ? vous mon unique amour ! M’estimez-vous assez peu pour croire que je veux me séparer de vous ?… Mon amour est une passion plus puissante que vous ne le supposez, Margaret, et le lien que vous avez accepté quand vous m’avez promis d’être ma femme est un lien qu’on ne peut pas briser aussi aisément !

Margaret regardait son prétendu avec des yeux mélancoliques et sans larmes.

— La destinée est plus forte que l’amour, Clément, — dit-elle tristement. — Je ne puis pas être votre femme !

— Pourquoi ?

— Pour un motif que vous ne devez jamais connaître.

— Margaret, je ne veux pas me soumettre…

— Vous devez vous soumettre, — dit la jeune fille en faisant un geste de la main comme pour réprimer les paroles passionnées de son fiancé. — Vous devez