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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

vous soumettre, Clément. Cette vie semble bien cruelle parfois, si cruelle que souvent pendant un terrible moment de sombre désespoir les cieux se dérobent à nous, et que nous ne pouvons reconnaître la sagesse éternelle qui dirige la main qui nous afflige. La vie me semble bien dure aujourd’hui, Clément. Ne cherchez pas à la rendre plus cruelle. Je suis une femme bien malheureuse, et de toutes choses au monde il n’y a qu’une grâce que vous puissiez me faire. Laissez-moi partir sans m’interroger, et que mon image soit effacée à jamais de votre cœur quand je serai partie.

— Je ne consentirai jamais à vous laisser partir, — répondit Clément d’un ton résolu. — Vous m’appartenez par le droit que m’a conféré votre promesse sacrée, Margaret. Ce n’est pas une folie de femme qui nous séparera.

— Le ciel sait que ce n’est pas une folie de femme qui nous sépare, Clément, — répondit la jeune fille d’une voix plaintive et émue.

— Qu’est-ce donc alors, Margaret ?

— Je ne saurais vous le dire.

— Vous changerez d’idée.

— Jamais.

Elle le regardait, et son visage pâle dénotait sa froide résolution.

Clément se souvint de ce que le docteur avait dit au sujet de la volonté de fer de la malade. Était-il possible que M. Vincent eût raison ? Est-ce que la douce résolution de cette jeune fille surmonterait la véhémence passionnée de Clément ?

— Qu’est-ce qui peut nous séparer, Margaret ? s’écria Austin. — Dites-le-moi… Vous avez vu M. Dunbar hier ?

La jeune fille frissonna, et sur son visage blême il y eut une ombre livide qui ressemblait plus à la mort que la blancheur de marbre qui l’avait précédée.