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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

et je… je… je voudrais me sentir plus digne de vous, vous êtes un brave cœur, mais vous êtes bien cruel envers moi aujourd’hui. Ayez pitié de moi et laissez-moi partir.

Elle tira une petite montre de sa ceinture et y regarda l’heure. Alors, se rappelant subitement que cette montre était un présent de Clément, elle détacha la petite chaîne de son cou et les lui offrit toutes deux.

— Vous m’avez donné ceci quand j’étais votre fiancée, monsieur Austin, je n’ai pas le droit de conserver ce présent aujourd’hui.

Elle parlait très-tristement ; mais le pauvre Clément n’était qu’un simple mortel. C’était un digne garçon, ainsi que Margaret l’avait déclaré ; mais malheureusement les meilleures gens du monde sont sujets aux passions aussi bien que leurs inférieurs en moralité.

Clément jeta le petit bijou genevois sur le sol, et le réduisit à l’état d’atome avec le talon de sa botte.

— Vous êtes cruel et injuste, monsieur Austin, — dit Margaret.

— Je suis un homme, mademoiselle Wilmot, — répondit Clément avec amertume, — et j’ai tous les sentiments d’un homme. Quand la femme que j’aime change tout à coup d’idée et me raconte froidement que son intention est de me briser le cœur, sans daigner même me donner une raison pour expliquer sa conduite, j’avoue que je ne suis pas assez homme du monde pour sourire poliment, et lui dire que son désir sera le mien.

Le jeune homme se détourna et marcha de long en large dans la chambre pendant quelques instants. Il était dans une grande colère, mais le chagrin se mêlait si bien à l’indignation dans son cœur qu’il pouvait difficilement savoir lequel de ces sentiments parlait le plus haut. Peu à peu, cependant, le chagrin se fondit