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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Oui vraiment, répondit froidement Sheldon. Je ne disconviens pas que ma conduite peut paraître un peu capricieuse, mais, voyez-vous, George m’avait fait sortir de mon caractère l’autre jour, et j’étais déterminé, je vous l’ai dit, s’il avait rencontré une bonne chance à lui couper l’herbe sous le pied. Toutes vos communications d’Ullerton n’ont fait que me démontrer qu’il n’a rien trouvé de bon et que tout ce que je ferais pour le circonvenir ne ferait que me porter préjudice, vous faire perdre votre temps, et à moi, mon argent. Cette famille Judson paraît innombrable : il est évident pour moi que la fortune de John Haygarth sera un os très-contesté entre les Judson, devant la Haute-Cour de la Chancellerie, pendant un nombre incommensurable d’années. Je pense donc, mon cher Paget, que nous ferons réellement mieux de ne plus nous occuper de cette affaire. Je vous allouerai les honoraires que vous jugerez convenables pour la peine que vous avez prise et nous n’en parlerons plus. Je trouverai pour vous quelque autre occupation aussi bonne, sinon meilleure que celle-ci.

— Vous êtes bien bon, » répliqua le capitaine, très-peu satisfait de la promesse.

Tout cela lui paraissait trop mielleux, trop aimable ; il voyait dans ce subit changement quelque chose de mystérieux.

Qu’un homme capricieux pût abandonner ainsi une spéculation après s’y être engagé avec ardeur, cela eût pu se comprendre, mais Sheldon était l’homme du monde le moins fantaisiste.

« Vous avez dû vous donner extrêmement de peine pour prendre tous ces extraits, dit négligemment l’agent de change, comme Horatio se levait pour partir, blessé