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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

si ce n’était en votre père ? J’ai un profond respect pour Sheldon et sa famille… Oui, mon amour, un profond respect, et je pense que la fille Sarah… non, je veux dire Charlotte, est une très-aimable jeune personne. Est-il nécessaire de vous dire que les moindres détails de votre existence dans cette famille ont pour moi le plus vif intérêt ? Je ne suis pas sans éprouver les sentiments d’un père, Diana, bien que les circonstances ne m’aient jamais permis d’en remplir les devoirs. »

Et ici une larme, que le rusé Horatio avait le don de faire surgir à volonté, trembla au bord de sa paupière.

Cette larme solitaire était toujours à sa disposition : au prix de sa vie il n’aurait pu en trouver une seconde, mais celle-là ne lui faisait jamais défaut.

Il trouvait d’ailleurs qu’une larme produisait autant d’effet qu’en aurait produit une douzaine pour donner du poids et du fini à un discours pathétique.

Diana le regarda avec un air de surprise et de doute.

Hélas ! elle ne le connaissait que trop bien ! Toute autre aurait pu être trompée, mais pas elle. Elle avait vécu avec lui, elle avait goûté l’amertume d’être sous sa dépendance, dépendance dix fois plus amère que celle qu’elle acceptait des étrangers.

Jour par jour, elle lui avait montré ses vêtements usés en le suppliant de lui donner quelque argent et avait été éconduite par des phrases, des mensonges.

Depuis longtemps elle lui avait pardonné, parce qu’elle était généreuse ; mais il lui était impossible de ne pas se souvenir quelle espèce d’homme il était.

Elle savait le poids de ses belles paroles et les considérait comme non avenues.

Ils parlèrent quelque temps encore de Sheldon et de sa famille ; mais Diana se surveilla, ne dit rien de plus.