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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

C’était au grand éclat des honneurs et des richesses que devait être conduite la maison Lenoble par le jeune étudiant en droit ; sur les larges épaules de ce moderne Atlas-Lenoble devait reposer le monde.

C’était vers lui que se dirigeaient leurs regards, c’était à lui qu’ils pensaient pendant les longues et tristes soirées d’hiver, alors que la mère sommeillait sur son tricot, que le père dormait dans son vaste fauteuil, que la fille se fatiguait les yeux à travailler à l’aiguille près de sa petite table en palissandre.

Il était plusieurs fois venu les voir pendant ses deux premières années d’études, apportant avec lui la vie, la lumière, et la gaieté, à ce qu’il semblait, aux deux femmes qui l’adoraient.

À ce moment, dans l’hiver de 1832, sa visite était attendue. Il devait venir passer avec eux le jour de l’An et rester jusqu’à la fête de sa mère, le 17 janvier.

Le père attendait cette visite avec une anxiété inaccoutumée ; la mère était également plus émue, plus troublée qu’à l’ordinaire et la fille de même.

Un affreux complot, une terrible conspiration dont Gustave était l’objet et devait être la victime avait été ourdie sous ce toit d’apparence si innocente.

Père, mère, sœur, assis autour du foyer de famille, fatals comme des Parques domestiques, avaient couve leur horrible projet, tandis que le garçon, abandonné à lui-même, passait son temps à se distraire dans la capitale, comme si de rien n’était.

La corde que Monsieur démêlait, la maille que tenait Madame, l’aiguille que maniaient les mains de Mademoiselle avaient pour objet la fabrication d’un filet matrimonial.

Ces conspirateurs ingénus avaient pour but d’amener