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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

leur victime à conclure un mariage qui devait tout à la fois élever et enrichir les Lenoble de Beaubocage, dans la personne de Gustave.

Le meilleur ami et le plus proche voisin de François Lenoble était un certain baron Frehlter, d’origine germanique, mais naturalisé Français depuis plusieurs générations.

Le baron était propriétaire d’un domaine qui eût pu montrer dix acres pour un, comparé à la terre de Beaubocage.

Le baron s’enorgueillissait d’un arbre de famille qui prenait racine dans une ramification généalogique des Hohenzollern ; mais, moins fiers et plus prudents que les Lenoble, les Frehlter n’avaient pas dédaigné de mêler leur sang bleu prussien au courant moins pur de la France commerciale.

L’élément épicier avait prévalu parmi les belles fiancées de la maison Frehlter, pendant les trois ou quatre dernières générations, et, par ce moyen, la maison Frehlter s’était considérablement enrichie.

Le baron actuel avait épousé une dame de dix ans plus jeune que lui, veuve d’un marchand de Rouen, très-pieuse, mais plus remarquable par ses attributs que par ses charmes personnels.

Un seul enfant, une fille, avait béni cette union.

C’était alors une jeune personne d’un peu moins de vingt ans, fraîchement sortie de son couvent, et aspirant à avoir sa part de joies et de délices dans le paradis mondain qui déjà avait été ouvert à beaucoup de ses camarades.

La plupart des compagnes de Mlle Frehlter s’étaient mariées tout de suite à leur sortie de pension ; elle avait entendu parler de la corbeille, de la robe de noce,