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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Il venait pour la remercier de ses bontés envers sa fille, ce qui lui fournissait amplement l’occasion de faire du sentiment.

Il avait demandé à voir Mme Sheldon en particulier : sa fille l’aurait gêné.

« Le motif qui m’amène pourrait difficilement se dire devant ma fille, ma chère Mme Sheldon, dit-il gravement. Je ne voudrais pas rappeler à la chère enfant sa désolante position, car je n’ai pas besoin de vous dire que cette position est très-désolante. Un père qui, avec les meilleures intentions, n’est pas en situation d’offrir un gîte convenable à une fille aussi délicatement élevée et qui, d’un moment à l’autre, peut lui être enlevé, est un triste protecteur. Sans votre bonne amitié, je ne sais pas ce que deviendrait mon enfant. Les dangers et les tentations auxquels une belle personne est exposée sont choses terribles, ma chère madame Sheldon. »

Tout ce bavardage avait pour but de parler de Susan Meynell, mais Georgy ne mordit pas à l’hameçon ; elle se contenta d’approuver de la tête, par un signe plaintif, l’assertion du capitaine.

« Oui, madame, la beauté, lorsqu’elle n’est pas alliée à une grande force de caractère et à des principes élevés, est sujette à devenir un fatal présent. Dans toutes les familles, il en existe de tristes exemples, » murmura le sentimental Horatio.

Même cette remarque ne produisit pas l’effet désiré ; c’est pourquoi le capitaine prit sur lui d’inventer une histoire, extraite, dit-il, des annales de sa propre maison, qui ressemblait terriblement à l’histoire de Susan.

« Et quelle fut la fin de la carrière de cette aimable Belinda Paget, ma chère Mme Sheldon ? dit-il en manière de conclusion. Le gentleman était un homme de