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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

haut rang, mais un mauvais drôle sans moralité. Le frère de Sophie, enseigne dans les gardes du corps, le provoqua en duel, et il y eut une rencontre sur les terrains communaux de Wimbledon. Le séducteur de Lavinia fut blessé mortellement. Cela donna lieu à des poursuites qui eurent pour résultat la condamnation du jeune capitaine de hussards, le frère d’Amélie, à la transportation à vie. Je n’ai pas besoin de vous dire que la sentence ne fut jamais exécutée. Le jeune homme périt glorieusement à Waterloo à la tête de son régiment de grenadiers, et Lavinia… je me trompe, Amélie… non, qu’est-ce que je dis donc ? son nom était Belinda… embrassa la religion catholique et mourut des coups de discipline qu’elle se distribua, arrivée qu’elle était au paroxysme du remords d’avoir été la cause de la mort de son frère, tué par son séducteur. »

Ce petit impromptu, débité avec chaleur, produisit l’effet désiré.

Attendrie par les malheurs de Belinda, ou Sophie, ou Amélie, ou Lavinia Paget, Mme Sheldon éprouva immédiatement le besoin de raconter un triste événement arrivé dans la famille de son premier mari.

Encouragée par la sympathie presque larmoyante du capitaine, elle répéta tous les détails de la vie de Susan tels que ses parents les connaissaient.

Comme ce récit avait coulé spontanément des lèvres de la bonne âme, il n’était pas à présumer qu’elle fît part de cette conversation à Sheldon ; d’autant plus que ce gentleman n’avait pas l’habitude de perdre beaucoup de son précieux temps en bavardages intimes.

Le capitaine avait calculé cela, aussi bien que toutes les autres éventualités qui auraient pu entraver sa marche dans la voie compliquée où il avait résolu de s’engager.