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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

des fêtes de mariage, et avait même entendu incidemment quelques mots de cette considération secondaire : le futur.

La jeune fille était, en conséquence, quelque peu disposée à trouver mauvais que son père n’eût pas assuré pour elle l’éclat d’un mariage prochain.

Son départ du couvent du Sacré-Cœur, à Vire, lui avait été extrêmement pénible. L’avenir ne lui faisait entrevoir qu’une existence vide, dans une grande maison déserte, entre un père qui, après s’être journellement gorgé d’une succulente et abondante nourriture passait ce qui lui restait de temps à dormir et une mère qui partageait ses affections entre un affreux chien caniche et un curé plus vilain encore, un curé qui prenait sur lui de sermonner la demoiselle Frehlter à tout bout de champ.

Le château de Frehlter était une très-grande résidence, comparé à la maison croulante de Beaubocage ; mais ce n’était qu’un assemblage de pierres d’une écrasante froideur et le mobilier avait déjà dû paraître usé sous la Fronde.

De vieux domestiques entretenaient cette demeure dans un état d’irréprochable propreté, en même temps qu’ils tenaient le baron et sa femme sous une verge de fer.

Mademoiselle exécrait ces vassaux dévoués, mais despotiques, et elle eût volontiers fait accueillir le plus détestable des domestiques modernes, s’il l’eût débarrassée du joug de ces serviteurs qui étaient des maîtres.

Mademoiselle était depuis un an à la maison : une année toute de mécontentement et de mauvaise humeur. Elle s’était querellée avec son père, parce qu’il ne vou-