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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

lait pas la conduire à Paris ; avec sa mère, parce qu’elle refusait de lui donner un plus grand nombre de robes nouvelles, de chapeaux, de plumes, etc. ; avec le curé, avec le chien, avec les autocrates de la cuisine et de l’office ; avec tout le monde et avec toutes choses. Si bien que, à la fin, le baron avait décidé qu’il fallait la marier pour être ainsi débarrassé d’elle, de ses plaintes, de ses caprices, de sa mauvaise humeur, et de tout ce qui touchait à sa jeune et aigre personne.

Ayant ainsi pris sa détermination, le baron ne fut pas long à se fixer sur le choix d’un époux.

Il était fort riche, et Madelon était son seul enfant ; il était par-dessus tout fort paresseux : il n’alla pas chercher pour sa fille un prétendant riche et distingué, il se décida à prendre le premier qui lui tomberait sous la main.

Il est possible que le baron, qui était un cynique, n’eût pas une très-haute idée des attraits de sa fille au physique et au moral.

Toujours est-il que, après que la demoiselle eut maltraité le chien, insulté le curé et la cuisinière, cette grande prêtresse des fourneaux, qui seule, en Normandie, était capable de confectionner des mets au goût du baron, le maître de Cotenoir se décida à marier sa fille incontinent.

Il communiqua son dessein à son vieux compagnon, un jour que la famille de Beaubocage dînait au château de Cotenoir.

« Je pense à marier ma fille, dit-il à son ami, lorsque les dames eurent gagné l’une des extrémités du vaste salon, votre fils Gustave est un charmant garçon, brave, beau, et de bonne race. Il est vrai qu’il n’est pas aussi riche que Madelon le sera un jour ou