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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

l’autre, mais je ne suis pas un brocanteur pour mettre ma fille à l’enchère… et si j’étais disposé à le faire, je doute qu’il y eût beaucoup d’enchérisseurs, pensa le baron entre parenthèse. Si votre fils avait une idée pour elle et qu’elle en eût une pour lui, cela me plairait assez, ami François. »

L’ami François dressa les oreilles et ses yeux brillèrent un moment.

Cotenoir et Beaubocage unis dans la personne de son fils Gustave ! Lenoble de Beaubocage et Cotenoir… Lenoble de Cotenoir et Beaubocage !

Une vision aussi splendide n’avait jamais brillé devant ses yeux dans tous les rêves qu’il avait caressés pour son fils unique !

Jamais il ne lui fût venu à l’esprit un projet aussi hardi que celui de l’union des deux domaines, et voilà que le baron offrait cela de lui-même, comme il eût offert sa tabatière, en passant.

« Ce serait un grand mariage, dit-il, un très-grand mariage. Pour Gustave, je puis répondre sans hésitation. Il ne pourrait qu’être très-charmé d’une pareille union : une aussi charmante fiancée ne pourrait que l’enchanter. »

Il dirigea ses regards du côté du salon où Madelon et Cydalise se tenaient debout, à côté l’une de l’autre, admirant le chien de Mme Frehlter.

Madelon savait être polie pour le chien devant le monde.

Le contraste entre les deux jeunes filles était passablement frappant.

Cydalise était fraîche et fine ; Madelon avait la taille épaisse, la figure rébarbative, la peau noire, et les sourcils de même.