Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Et votre père, a-t-il été aimable, chère ? demanda Charlotte. A-t-il paru satisfait de vous voir ?

— Il a été beaucoup plus aimable et plus affectueux qu’à l’ordinaire, ma chère Charlotte… tellement que j’en ai été surprise. Si j’étais aussi confiante et aussi disposée que vous l’êtes à tout voir en bien, je serais enchantée de ce changement, mais, dans l’état des choses, je ne puis me l’expliquer. Je serais du reste fort satisfaite si mon père et moi pouvions nous rapprocher, si je pouvais avoir sur lui assez d’influence pour l’amener à modifier sa façon de vivre. »

Pendant que Mlle Paget raisonnait sur la nouvelle et affectueuse conduite de son père, le noble Horatio, assis devant son foyer solitaire, méditait sur ce qui s’était passé ce soir-là.

« Je suis à moitié disposé à croire qu’il est déjà pincé, rêvait le capitaine, mais il ne faut pas que je me laisse tromper par ses façons. La galanterie d’un Français ne signifie généralement rien du tout : cependant Lenoble est un de ces garçons francs et ouverts, dont un enfant lirait la pensée. Il a certainement paru se plaire avec elle ; il y avait chez lui de l’intérêt, de la sympathie, et tout ce qui y ressemble. Elle est vraiment d’une beauté rare et pourrait se faire épouser par n’importe qui, si elle en trouvait l’occasion. Je n’avais jamais remarqué avant ce soir combien elle est belle. Je présume que je ne l’avais jamais bien regardée à la lumière. Par Jupiter, j’aurais dû en faire une actrice, ou une chanteuse, ou quelque chose d’approchant. C’est certainement ce que j’aurais fait, si je m’étais douté qu’elle embellirait à ce point. Je voudrais seulement qu’elle fût un peu plus facile à manier ; elle a toujours quelque chose de maladroit à dire qui me fait passer pour un