Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

pour le haut style et la grande allure que vous devez à vos voyages à l’étranger. »

Le capitaine dit cela de l’air d’un homme qui eût fait avec sa fille un voyage d’amateur dans l’unique but de compléter son éducation.

Il pensait sincèrement qu’elle lui devait de la reconnaissance : sa vie nomade lui avait donné d’heureuses occasions de bien prononcer le français et l’allemand ; elle y avait appris ce que c’était que de se jeter son châle sur les épaules avec chic ; le capitaine estimait que c’était considérable.

« Oui, ma chère enfant, continua-t-il avec un air de dignité, c’est pour moi une véritable satisfaction de mieux vous connaître. J’ai à peine besoin de dire que lorsque je vous ai acceptée comme compagne de voyage, vous n’étiez pas d’âge à me rendre de bien grands services. Pour un homme du monde de ma sorte, une jeune personne, qui n’avait pas achevé sa croissance, sentait par trop la nourrice et l’école. Je ne veux pas répéter l’impertinence de Byron à propos du pain et du beurre, mais vous devez sentir que la société d’une jeune fille qui porte encore des robes courtes ne pouvait pas m’être extraordinairement agréable. Vous êtes maintenant une jeune femme, et une jeune femme de laquelle un père a justement le droit d’être fier. »

Après quelques discours de ce genre, Diana commença à considérer comme possible que son père éprouvât réellement à son égard quelques sentiments nouveaux.

Il pouvait être vrai que sa froideur passée eût eu pour principale cause les préventions occasionnées par la gaucherie de son adolescence.

« J’étais certainement timide et gauche dans ce temps-