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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

, pensa-t-elle, et puis je demandais toujours de l’argent à papa pour m’acheter des robes neuves, ce qui pouvait l’indisposer contre moi. Maintenant que je ne suis plus à sa charge, que je puis causer avec lui et le distraire, il est possible qu’il soit mieux disposé en ma faveur. »

Cette idée n’était pas sans fondement.

Paget s’était senti mieux disposé envers son unique enfant, du moment où elle n’avait plus été un embarras pour lui : son brusque départ de Spa n’avait pas du tout été pris par lui en mauvaise part.

« C’est une chose très-spirituelle qu’elle a faite là, Valentin, avait-il dit à Haukehurst, lorsque celui-ci l’avait informé du fait, et c’est bien ce qu’elle pouvait faire de mieux, dans la position où nous nous trouvions. »

Depuis ce temps, sa fille ne lui avait rien demandé et cela avait contribué à l’élever dans son estime ; mais le sentiment qu’il manifestait maintenant était plus qu’une tacite approbation, c’était une démonstration d’affection tout à la fois chaleureuse, exigeante.

En somme, Horatio voyait dans sa fille un moyen qui pouvait le conduire à assurer le bien-être de ses vieux jours.

Son affection était sincère jusqu’à concurrence de cette conception ; c’était un sentiment intéressé, maie qui n’était pas hypocrite.

Diana pouvait d’autant mieux s’y laisser prendre, en être touchée : elle fut touchée et très-vivement.

L’engagement de Valentin avec Charlotte avait jeté dans sa vie un grand et cruel vide : non-seulement l’homme qu’elle aimait se trouvait perdu pour elle, mais sa Charlotte, son amie, sa sœur, semblait également lui échapper.