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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

C’en était fait maintenant de ces rêves fous.

L’autre rêve d’une vie passée avec l’insouciant compagnon de sa jeunesse était également perdu pour Diana.

Elle ne voyait dans l’avenir aucun point vers lequel son regard pût se diriger, aucune étoile pour la guider.

La situation présente était très-supportable et elle se disait qu’il faudrait qu’elle fût bien ingrate et bien faible pour ne pas savoir se contenter de son sort ; mais elle n’osait pas regarder au delà du présent.

Avec ses illusions son espérance s’était envolée. Diana n’espérait plus.

Troublée par le sentiment où elle était de son isolement, de son abandon en ce monde, il n’est pas surprenant qu’elle s’accrochât, comme à une dernière chance de bonheur, à l’affection toute nouvelle que lui témoignait son père.

Elle commença à croire en lui et à se réjouir de la pensée qu’il voulait faire voile vers un port où il pût mettre sa barque à l’ancre, y trouver le repos : travailler pour lui, le secourir dans ses vieux jours, semblait à cette femme de vingt-quatre ans sans avenir une plus brillante perspective qu’une indépendance solitaire.

« Il est dans la nature de la femme de chercher un appui, » dit le philosophe du sexe fort, mais n’est-il pas plutôt dans sa nature de se sacrifier et de secourir : autrement la sublime responsabilité de la maternité lui eût-elle été confiée ?

C’était une satisfaction pour Diana de penser qu’un réprouvé repentant dépendrait de son travail et pourrait se réhabiliter de par elle. Comme une nouvelle Antigone, elle était prête à protéger et à conduire sa