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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

cécité morale vers un autel d’expiation moins ensanglanté que celui des Euménides athéniennes.

Ses visites à son père n’étaient pas entièrement consacrées à des tête-à-tête avec le capitaine.

En raison de ces coïncidences, si fréquentes pour certaines personnes, il arrivait généralement que Lenoble venait voir son ami malade les jours mêmes où Diana se trouvait chez lui.

Lenoble était à Londres pour affaires, et ces affaires semblaient exiger de fréquentes entrevues avec Paget : naturellement on ne pouvait les traiter en présence de Diana ; Gustave était donc obligé d’attendre avec une patience digne d’éloges que la jeune fille eût terminé sa visite, l’engageant même, le plus galamment du monde, à la prolonger le plus longtemps possible.

« Il sera toujours temps pour mes affaires, mademoiselle Paget, disait-il d’un ton pressant, et je sais combien votre père est heureux de votre compagnie. Il a grandement raison ; je désire que mes filles soient aussi bonnes pour moi, si je dois avoir la goutte tôt ou tard. »

Diana avait passé près d’une douzaine de soirées chez son père et à chaque fois il était arrivé qu’elle s’y était rencontrée avec Lenoble.

À chacune de ces rencontres accidentelles son affection pour lui avait été en augmentant : c’était en réalité une personne peu faite pour inspirer de l’antipathie.

Dans ses trente-quatre années d’existence il ne s’était pas fait un seul ennemi.

Il avait plu à Diana dès le premier jour où ils s’étaient rencontrés ; sa belle physionomie franche et ouverte, sa courtoisie avec les femmes exprimée dans ses moindres regards, ses moindres paroles ; sa sympathie pour toute bonne pensée, la fraîcheur et la naïveté de