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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

parler d’une chose qui vous est pénible ? Que pensez-vous d’ailleurs avoir à me dire que je ne sache déjà ou que je ne puisse deviner ? Voulez-vous me dire qu’il est pauvre ? je le sais. Que c’est un gentilhomme déchu ? je le sais aussi. Que pourriez-vous donc avoir à m’apprendre ? Qu’il possède une fille qui pour lui est un trésor inappréciable ? Ah ! mademoiselle, que serais-je si je ne savais également cela ? Moi qui, tant de fois, ai contemplé cette noble créature… ah ! tant de fois ! sans qu’elle pût savoir avec quelle sympathie mes yeux suivaient ses regards, avec quelle profonde émotion mon cœur interprétait son existence de sacrifice, de généreux sacrifice… »

Il y avait dans son expression une chaleur, une tendresse qui agitèrent le cœur de Diana, plus qu’il ne l’avait été depuis de longs mois.

Subitement, sans qu’elle s’y attendît, elle comprit le sens complet de ces tendres paroles.

L’amour que, dans ses rêves d’autrefois, elle avait cru entendre s’exprimer par les lèvres d’un autre, s’adressait à elle par la bouche d’un étranger ; la sympathie qu’elle avait si vainement appelée à l’époque où elle courait le monde avec Valentin, lui était accordée, ce soir-là, sans limites, sans mesure ; malheureusement elle venait trop tard et elle ne venait pas des lèvres qui, seules, lui semblaient pouvoir faire de l’amour un don précieux et divin ; mais pour cette fille sans appui l’affection d’un honnête homme parut néanmoins provoquer et mériter toute sa reconnaissance ; c’était quelque chose de savoir qu’on pouvait l’aimer.

« Moi aussi, se dit-elle à elle-même, moi, dont la présence est à peine remarquée par Valentin lorsqu’il entre dans une chambre où Charlotte se trouve avec moi, qui