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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Cela fut solennellement convenu entre les deux pères.

Mlle Frehlter elle-même ne devait avoir aucune connaissance du projet avant qu’il fût tout à fait mûri.

Mais après avoir dîné à Cotenoir, le ménage de Beaubocage ne parla guère d’autre chose que de l’union des deux familles.

Quelles grandeurs ! quelle richesse ! quel bonheur ! Gustave, le seigneur de Cotenoir.

La pauvre Cydalise n’avait jamais vu de plus belle résidence que le vieux château, avec ses tours en forme de pains de sucre, ses terrasses de pierre, ses escaliers en spirale, et ses incommodes petites chambres dans les tourelles, le long salon sombre et la salle à manger. Elle ne pouvait se représenter rien de plus somptueux. Pour Gustave, la future possession de Cotenoir était comme si on lui eût tout à coup offert la succession d’un royaume.

Cydalise ne pouvait en venir à considérer que Madelon n’était ni agréable ni attrayante et que, après tout, la femme doit compter pour quelque chose dans un contrat de mariage. Elle ne pouvait voir autre chose, elle ne pouvait penser à autre chose qu’à Cotenoir.

Aucun de ces trois conspirateurs ne craignait la moindre opposition de la part de leur victime.

Il pouvait se faire, à la rigueur, que Gustave fût tombé amoureux de quelque Parisienne, bien que ses lettres ne fissent aucune mention d’une semblable calamité ; mais si cela était, il en serait quitte pour se dégager ; il rendrait la liberté à la jeune demoiselle et obtiendrait qu’elle lui rendît sa parole, afin qu’il pût immédiatement la donner de seconde main à Mlle de Cotenoir.

L’objet de tous ces soucis, espérances et rêves arriva