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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

loi de porter des robes décolletées quand on a des épaules construites comme ça ! »

Cela était décourageant ; mais les conjurées ne se tenaient pas pour battues.

La mère se rabattait sur les vertus intellectuelles de Madelon ; et qu’était-ce que des épaules comparées aux sentiments, à la piété, à l’amabilité, à toutes les grâces chrétiennes ?

Cydalise avouait que la chère Madelon était un peu gauche.

Gustave tenait pour bête.

Sur quoi, le père réprimandait le fils. Pouvait-il se permettre d’user d’un terme de caserne, à l’occasion de cette charmante jeune personne ?

À la fin le complot se révéla.

Après un dîner à Cotenoir et un dîner à Beaubocage, deux occasions dans lesquelles Gustave s’était rendu très-agréable aux deux dames de la maison du baron, car il n’était véritablement pas dans sa nature d’être autrement qu’aimable avec les femmes, la mère parla à son fils de la splendide destinée qui avait été préparée pour lui.

Ce fut pour elle un sujet de surprise et de chagrin de voir que cette révélation ne causa à Gustave aucun plaisir.

« Me marier est la dernière des choses auxquelles je pense, chère mère, dit-il gravement, et Mlle Frehlter est bien la dernière que je choisirais pour femme. Je n’en suis pas moins très-reconnaissant de l’honneur que M. le baron veut bien me faire. Cela va sans dire.

— Mais les deux domaines… réunis ensemble, ils feraient de toi un grand propriétaire. Tu ne peux certainement refuser une fortune pareille ? »