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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

espoir : le cœur de Gustave n’était point engagé, c’était un grand point ; et pour le reste, certainement la persuasion pourrait faire beaucoup.

Alors arriva ce phénomène que l’on a vu bien souvent dans la vie, un jeune homme à l’esprit généreux, aux vues droites, entraîné malgré lui à faire la plus lourde des sottises, celle qui répugnait le plus à ses sentiments.

La mère employa la persuasion, la sœur plaida, le père s’appesantit tristement sur la pauvreté de Beaubocage, la richesse de Cotenoir.

Gustave s’aperçut que son refus de se livrer à cette mirifique destinée, serait un amer, un long chagrin pour les gens qui l’aimaient si tendrement et que lui-même aimait tant. Ne serait-il pas coupable d’anéantir des espérances si peu égoïstes, d’entraver une ambition si innocente, et cela seulement parce que Madelon n’était pas jolie ?

Le jeune homme résista faiblement à tous leurs arguments, les plaidoiries le laissèrent inébranlable : ce fut seulement lorsque ces pauvres parents abandonnaient la bataille, la considérant comme perdue, que Gustave pour la première fois hésita.

Leur muet désespoir l’émut plus que l’éloquence la plus persuasive, et il finit, hélas ! par se soumettre.

Il quitta Beaubocage fiancé à une femme que parmi toutes les autres il eût choisie la dernière.

Tout avait été réglé d’un commun accord : le douaire, l’union des deux domaines et des deux noms.

Pendant six mois encore Gustave devait jouir de sa liberté pour finir son droit ; après quoi il devait revenir en Normandie et s’y marier.

« J’ai eu de très-bons renseignements sur vous de Paris, avait dit le baron ; vous n’êtes pas fou, écervelé