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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

comme beaucoup d’autres étudiants ; on peut avoir confiance dans votre honneur et votre fidélité. »

Les bonnes gens de Beaubocage étaient dans l’extase ; ils félicitaient Gustave ; ils se félicitaient entre eux. Un mariage aussi brillant serait le salut de la famille. Le jeune homme commença enfin à s’imaginer qu’il était le favori des dieux.

Qu’importait-il si Madelon était un peu ennuyeuse, si elle manquait un peu de la vivacité si recherchée des esprits frivoles ? Sans aucun doute, elle m’en était que plus appréciable, plus vertueuse. Si elle n’avait pas l’éclat, la variété, et la beauté d’une fontaine jaillissante dont les eaux brillent aux rayons du soleil d’été, elle était, peut-être aussi peu changeante et aussi dure qu’un roc ; et qui ne préférerait, après tout, la sécurité d’un bon rocher à la beauté passagère d’une fontaine ?

Avant de quitter le toit paternel, Gustave s’était persuadé à lui-même qu’il était un homme très-fortuné : il avait adressé à Mlle Frehlter quelques compliments stéréotypés et avait écouté avec une patience sublime ses éternelles petites romances.

Il laissa la jeune fille profondément impressionnée de ses mérites ; il laissa sa propre famille au comble du bonheur ; et il emporta avec lui un cœur dans lequel l’image de Madelon Frehlter ne tenait pas la plus petite place.