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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

le mouvement des vagues et causant de notre avenir, pendant que mon père faisait la sieste dans une des cabines de l’entrepont.

« Pour Gustave cet avenir paraissait brillant et sans nuage, pour moi, il semblait étrange que l’avenir pût être autre chose qu’une triste terra incognita, à la contemplation de laquelle il n’est pas sage de s’abandonner.

« Papa est établi avec Gustave à Cotenoir, mais il a été arrangé que j’irais rendre visite à Mlle Lenoble, la tante de Gustave, à Beaubocage, et que je resterais auprès d’elle, pendant mon séjour en Normandie.

« Je compris à l’instant le sentiment délicat qui avait dicté cet arrangement.

« Nous dînâmes à Rouen et nous nous rendîmes à Vire par la diligence.

« À Vire, une voiture de campagne nous attendait, avec un vieux garçon de ferme, remplissant les fonctions de cocher.

« Gustave prit les rênes des mains du vieillard et nous conduisit à Beaubocage, où Mlle Lenoble nous reçut avec la plus grande cordialité.

« C’est une bonne vieille dame, avec des bandeaux de cheveux blancs arrangés avec soin sous un joli bonnet. Sa robe est de soie noire, et son col et ses manchettes sont d’une blancheur de neige ; tout respire une propreté exquise dans sa toilette, dont la mode date de vingt-cinq à trente ans.

« Maintenant je suppose que vous serez bien aise d’avoir une idée de ce qu’est Beaubocage.

« Eh bien ! ma chère Charlotte, malgré mon admiration pour Mlle Lenoble, je dois avouer que la demeure de ses ancêtres n’est ni grande, ni jolie. Cela ferait