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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

une ferme très-convenable, mais l’intention marquée de l’architecte d’en faire un château a tout gâté. C’est un bâtiment blanc et carré flanqué de deux tourelles ayant la forme de l’habitation du castor, dans l’une desquelles j’écris cette lettre. Entre le jardin et la grande route il y a un mur surmonté de vases de pierre. Le jardin, pour la plus grande partie, est consacré à l’utile, mais devant les fenêtres du salon, il y a une pelouse bordée d’allées sablées et deux plates-bandes dans lesquelles sont des fleurs. Une rangée de peupliers protège seule la maison contre la poussière de la grande route ; derrière ce rideau de peupliers il y a un verger, sur le côté une cour de ferme ; derrière le verger sont les champs qui composent la ferme de Beaubocage et le domaine paternel de la famille Lenoble. Tout le pays à l’entour est un pays très-plat. Les paysans sont de bonnes gens et très-dévoués à Mademoiselle. Il y a une tranquillité rustique répandue partout, qui pour moi fait toute la beauté de ce séjour.

« Je suis assez hypocrite pour me dire enchantée de tout, car je m’aperçois avec quelle anxiété M. Lenoble m’examine pour découvrir si son pays natal me plaît.

« Il n’est pas né à Beaubocage, mais à Paris ; Mlle Lenoble m’a conté l’histoire de son enfance, et comment elle l’a amené à Beaubocage, quand il était encore un tout petit enfant, et qu’elle avait été le chercher à Rouen, où son père est mort.

« À l’égard de sa mère il semble exister quelque mystère. Mademoiselle ne m’en a rien dit si ce n’est que son frère aîné avait fait un mariage d’amour, ce qui avait irrité son père.