Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

je ne l’ose pas. J’ai prié pour avoir du courage, pour avoir la force d’y retourner, mes prières n’ont pas été exaucées ; je n’ai plus qu’à mourir. Quel mal commettrai-je en me jetant à l’eau ? Il faut que je meure. Je mourrais de misère dans les rues.

— Non… non !… s’écria passionnément Gustave. Croyez-vous que je vous aie sauvée de la mort pour vous abandonner à la solitude et au désespoir ?… Ma chérie, vous êtes à moi… vous êtes à moi par le droit que me donne cette soirée… ces bras qui vous ont enlevée à la mort sauront vous protéger… ah ! laissez-moi être votre soutien. Je travaillerai pour vous, mon amour… Mon amour !… vous ne savez pas combien vous m’êtes chère. Si le dénûment et la peine doivent vous atteindre, c’est par moi qu’ils commenceront. »

Il l’avait placée sur un banc de pierre ; elle était sans forces… il s’était assis à côté d’elle.

La frêle créature, encore frissonnante, était soutenue par ses bras qui l’entouraient.

Il sentait qu’elle était à lui, entièrement, irrévocablement.

La Providence la lui avait donnée, la Providence qui n’avait semblé l’abandonner que pour servir l’amour dont elle avait rempli son cœur.

L’expression de sa voix avait toute la tendresse suppliante d’un amant, mais elle avait quelque chose de plus, une autorité, comme un sentiment de possession.

« La Providence m’a envoyé ici pour vous sauver, dit-il d’un ton d’autorité. Je suis votre Providence, n’est-il pas vrai, ma bien-aimée ?… Le sort m’a fait vous aimer… tendrement, sans espoir, à ce que je pensais. Hier, vous sembliez être aussi éloignée de moi que ces pâles étoiles qui sont au-dessus de nous…