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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

aussi incompréhensible que ce brouillard argenté qui entoure la lune, et ce soir vous m’appartenez. »

Il ne savait pas quels liens il brisait ; il avait bien une vague conscience que ce qu’il faisait pouvait amener une rupture pour toute la vie entre lui et son père, mais le temps était passé où il était en état de mesurer ce qu’il lui en coûterait.

« Laissez-moi m’en aller, monsieur Lenoble, » dit à ce moment l’Anglaise.

Son premier mouvement de frayeur était passé et elle s’exprimait presque avec calme.

« Laissez-moi retourner à la maison. C’est vous qui m’avez préservée d’un grand péché. Je vous promets que je ne recommencerai pas. J’attendrai jusqu’à ce que la mort vienne ; je n’irai pas au-devant. Laissez-moi aller, mon excellent ami. Ah ! non, non, ne me retenez pas ! Oubliez que vous m’avez connue !

— Cela n’est pas en mon pouvoir. Je vais immédiatement vous reconduire à la Pension Magnotte ; mais il faut me promettre que vous serez à moi, que vous serez ma femme ; entendez-vous.

— Votre femme !… votre femme !… oh ! non, cela est impossible.

— Parce que vous ne m’aimez pas, dit Gustave avec une triste gravité.

— Parce que je ne suis pas digne de vous. »

Un inexprimable sentiment de honte et de remords était contenu dans ce peu de mots.

« Vous valez pour moi toutes les étoiles. Si je tenais dans ma main toutes celles qui brillent sur nos têtes, je les jetterais à l’eau pour vous garder, dit passionnément l’étudiant. Vous ne pouvez pas comprendre mon amour, peut-être. Il semble que je sois un étranger