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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

meure en ajoutant foi aux mensonges d’un Don Juan de bas étage.

L’histoire et la honte qui l’accompagnait étaient absolument vulgaires, il semblait à Lenoble que la femme auprès de laquelle il se trouvait était sa destinée ; et alors accourut tout de suite au secours de l’orgueil offensé ; de l’amour outragé… torturé par la pensée qu’elle, si pure et si supérieure pour lui, avait pu être entraînée dans la fange par un autre… accourut rayonnant, superbe, l’ange aux ailes blanches de la pitié.

Par sa faiblesse, par son humiliation ; par le souvenir de ce qu’elle avait souffert, la pitié le conjura de l’aimer d’autant plus tendrement.

« Ma bien chérie, dit-il doucement ; c’est une fort pénible histoire, et vous et moi ne devons plus jamais en parler. Nous enterrerons la mémoire de Montagu Kingdon dans la tombe la plus profonde qui ait jamais été creusée pour les souvenirs amers, et nous commencerons ensemble une vie nouvelle. »

Ainsi finit la cour de Lenoble ; il ne pouvait parler plus longtemps de son amour, alors que le nom de Montagu Kingdon était encore sur les lèvres de Susan Meynell.

Il l’avait acceptée, avec ses chagrins et ses fautes, à l’heure où il l’avait arrachée à la mort, et entre eux deux les protestations passionnées, les éclats de sentiment étaient suspendus.

Lenoble ne tarda pas à découvrir que la loi n’avait pas prévu le cas d’un jeune étudiant chevaleresque pressé de s’unir à une étrangère qui ne pouvait produire un seul des trente témoins requis pour constater son identité.