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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

greur exceptionnelle ; elle était d’un plus beau jaune que celui du beurre qui était servi sur sa table, mais elle avait de beaux yeux noirs et une certaine dignité de maintien qui en imposait à ses jeunes locataires : ils ne parlaient d’elle qu’en disant : la comtesse ; c’est sous ce nom qu’elle était désignée par tous les habitués de la maison ; mais, dans leurs rapports avec elle, tous étaient pleins de respect.

L’un des plus tranquilles parmi les jeunes gens qui jouissaient du privilège de résider chez Mme Magnotte, était un certain Gustave Lenoble, étudiant en droit.

Il était le seul fils d’un très-excellent couple qui vivait sur ses terres situées près d’un obscur village de Normandie ; ce domaine était des plus petits : une vieille maison délabrée, que dans le voisinage on appelait le Château, très-chère à ceux qui l’habitaient ; un jardin dans lequel toutes les plantes semblaient montées en graines, et environ quarante acres de la plus mauvaise terre de Normandie.

Tel était le domaine patrimonial de François Lenoble, propriétaire de Beaubocage, près Vire, dans le département du Calvados.

Les gens parmi lesquels vivait très-simplement le bonhomme l’appelaient M. Lenoble de Beaubocage ; mais il ne tenait pas à cette distinction, et lorsqu’il envoya à Paris son seul fils pour y débuter dans la grande bataille de la vie, il lui avait bien recommandé de s’appeler Lenoble tout court.

Le jeune homme lui-même n’avait jamais eu d’autre intention ; il était l’homme du monde le moins vaniteux.

Le père était légitimiste jusqu’à la moelle des os, le fils moitié bonapartiste, moitié libéral.