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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

C’était un décroissement des forces physiques qui avait enlevé à Charlotte l’éclat de ses sourires et de son rire si joyeux, au timbre si musical.

C’était une langueur physique qui la rendait indifférente aux choses qui autrefois excitaient son enthousiasme juvénile.

La découverte était vraiment pénible. Diana se rappelait ce qu’elle avait observé chez sa cousine Priscilla : les jeunes filles qu’elle avait vues devenir chaque jour plus insouciantes, se mettre pendant quelques jours entre les mains des médecins, puis reprendre leur travail habituel, puis tomber décidément malades, jusqu’au moment cruel où les parents étaient appelés, où le médecin ordonnait un repos absolu, où les mères s’empressaient d’emmener leurs, enfants, espérant que les soins dont elles les entoureraient dans la maison paternelle leur rendraient promptement la santé ; leurs camarades entouraient la voiture pour leur faire leurs adieux, leur exprimer l’espoir de les revoir bientôt rétablies, mais quand les vacances étaient finies, que le triste jour de la rentrée était venu, elles ne reparaissaient pas au milieu de leurs compagnes d’étude. Étaient-elles parties pour une école supérieure, avaient-elles répondu adsum à l’appel du Grand Maître ?

Diana se rappelait ces tristes souvenirs avec une peine cruelle.

« Des jeunes filles aussi brillantes et aussi aimables qu’elle, ont décliné et ont été enlevées au moment où elles semblaient le plus florissantes et heureuses, » pensait-elle.

Et en observant Charlotte, elle s’aperçut pour la première fois, ce jour-là, que les joues de la jeune fille avaient perdu la fraîche rondeur de leurs contours.