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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

dant lesquels on ne débite que d’insipides lieux communs. Je suis lasse de ces assommants dîners, et des plaintes incessantes de maman sur l’ascendant que Nancy exerce dans la maison, et des éternels journaux de M. Sheldon qui craquent, craquent, et craquent pendant toute la soirée, et quels journaux ! Le Moniteur de la Bourse, le Vade mecum du Spéculateur, et tant d’autres du même genre, qui ne contiennent jamais la moindre nouvelle intéressante. Je sentais déjà l’ennui de toutes ces choses, vous le savez, ma chère, quand je n’avais pas encore fait connaissance avec mes nerfs, mais maintenant que je leur ai laissé prendre un empire irrésistible sur moi, toutes ces misères me fatiguent et me torturent ; néanmoins, je suis heureuse avec vous, ma chérie ; je suis heureuse avec Valentin. Pauvre Valentin !

— Pourquoi parlez-vous de lui avec cette tristesse ? demanda Diana très-pâle.

— Parce que nous nous étions arrangé une vie si heureuse ensemble, chère Diana, et…

— Est-ce là un sujet qui doive vous donner de la tristesse ?

— Et… s’il arrivait, après tout, que nous dussions nous quitter et qu’il dût continuer seul sa route dans la vie, le monde lui semblerait bien triste et bien désert.

— Charlotte ! s’écria Diana avec un rire qui fut presque étouffé sous un sanglot, est-ce là ce que vous appelez exercer de l’empire sur vos nerfs ? Mais, ma chère, vous vous livrez à une contrefaçon des humeurs noires de votre maman. Charlotte, il vous faut un changement d’air, oui, je suis résolue sur ce point. L’imposant docteur qui est venu l’autre jour dans son