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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Mais vous pensez donc que Charlotte est réellement malade ? demanda Mme Sheldon avec un peu d’impatience.

— J’espère qu’elle n’est pas réellement malade, chère madame Sheldon ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle est très-changée. En lui parlant, j’affecte de penser que sa maladie n’est qu’une affaire de nerfs, mais au fond du cœur j’ai la crainte de quelque chose de plus grave.

— Mais, qu’a-t-elle ? s’écria Georgy avec un air de piteux embarras. C’est la question que je me fais toujours. Une personne ne peut pas être malade, vous le savez, Diana, sans qu’on puisse dire ce qu’elle a, et c’est ce qu’il est impossible de dire relativement à Charlotte. M. Sheldon dit qu’elle manque de ton ; le médecin, qui est venu dans son équipage à deux chevaux, et qui doit savoir ce qu’il dit, parle d’un manque de vigueur. Mais qu’est-ce que tout cela veut dire ? Je suis sûre que j’ai manqué de ton toute ma vie. Peut-être n’a-t-il pas existé au monde une créature ayant moins de ton que moi, et la défaillance intérieure que j’éprouve avant le luncheon est quelque chose que je ne saurais comment exprimer. Je crois, que Charlotte n’est pas aussi forte qu’elle pourrait l’être ; mais je ne puis comprendre qu’elle soit malade, quand sa maladie n’a rien de défini. La maladie de mon pauvre premier mari était une maladie que tout le monde peut comprendre, une fièvre bilieuse. Un enfant sait ce que c’est que d’être bilieux, un enfant sait ce que c’est que d’avoir la fièvre. Il n’y a rien de mystérieux dans une fièvre bilieuse.

— Mais, chère Mme Sheldon, dit Diana gravement, ne pensez-vous pas que la faiblesse de constitution du père de Diana, qui l’a rendu susceptible d’être emporté