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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— J’en ai bien peur, ma bonne Nancy.

— Mais j’étais folle de lui, mademoiselle Halliday, et le mal qu’il m’a donné lorsqu’il a fait ses dents n’a eu pour résultat que de me le rendre plus cher. C’est le premier enfant que j’aie nourri, voyez-vous, et le dernier aussi, car avant que M. George ne fût venu au monde, j’avais été mise à la cuisine, et Mme Sheldon a pris une autre bonne d’enfant, une véritable idiote, et ce n’est pas de sa faute si M. George a le dos d’un chrétien, car elle avait une manière de porter ce cher enfant qui me glaçait les sens. »

C’est en discourant de la sorte que Nancy retenait Mlle Halliday dans son confortable appartement, tant qu’elle trouvait une excuse plausible pour le faire.

Charlotte ne prenait pas un plaisir très-vif à ces souvenirs de l’enfance de Sheldon, mais elle était trop bonne pour lui fermer la bouche par le moindre signe d’impatience. Quand elle pouvait mettre Nancy sur Barlingford et Hiley et sur les gens que Charlotte avait connus quand elle était enfant, c’est alors que la conversation devenait intéressante pour elle, et ces souvenirs établissaient un lien entre la vieille femme de charge et la jeune demoiselle.

Quand un changement survint dans la santé de Charlotte, Nancy fut une des premières à s’en apercevoir ; elle était versée dans ces remèdes de bonnes femmes pour lesquels Sheldon professait un si souverain mépris, et elle aurait bien voulu faire prendre à la malade ses nauséabondes décoctions de houblon, ou lui préparer elle-même du vin de quinquina ; mais Charlotte, tout en appréciant ses bonnes intentions, se défiait des médecines préparées à la maison et avait plus de