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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Elle avait le sentiment de la présence d’un vague fantôme qui la poursuivait jour et nuit.

Quel était ce fantôme ? Quel présage tirer de sa présence ?

Il lui semblait qu’un spectre, enveloppé de la tête aux pieds dans un linceul, se tenait là derrière elle et elle n’osait pas se retourner de peur d’avoir à le contempler face à face : parfois l’ombre écartait un peu son linceul et disait : Regarde-moi ! Vois qui je suis ! Tu m’as déjà vu ! Me voilà de nouveau et cette fois tu ne pourras pas refuser de me regarder en face ! Je suis l’ombre de l’horreur que tu as soupçonnée au temps passé !

Les frayeurs qui torturaient Nancy à cette époque ne diminuaient en rien son énergie pratique.

Depuis le commencement de la lente maladie qui consumait Charlotte, elle s’était montrée attentive, officieuse même, dans toutes les choses qui avaient rapport à la malade.

C’est de ses propres mains qu’elle décantait le fameux porto que Mme Sheldon allait chercher elle-même dans la case particulière qui lui était affectée dans la cave soigneusement arrangée de son mari.

Quand le médecin venait et écrivait ses inoffensives prescriptions, c’était Nancy qui allait elle-même les porter chez le pharmacien et qui rapportait l’innocente potion, qui pouvait par aventure produire quelque bien, mais qui était, dans tous les cas, trop faible pour pouvoir faire du mal.

Charlotte appréciait avec reconnaissance toutes ces preuves d’intérêt, mais elle ne se lassait pas de répéter à la vieille gouvernante que son indisposition ne valait pas tous les soins qu’elle prenait.