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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

veau, toutes sortes de mots étranges se mêlent aux personnages du livre. Diana m’a lu la Fiancée de Lammermoor toute cette matinée ; mais la peine et l’ennui que je ressens semblaient déteindre sur Lucie et Edgar, et ce cher roman ne m’a pas causé de plaisir.

— Ma chère, vous êtes trop faible pour entendre Diana vous faire la lecture ; il est bien aimable à elle de s’efforcer de vous amuser, mais il vaudrait mieux pour vous de prendre un repos complet. Tout effort mental peut retarder votre rétablissement. »

Il s’était placé derrière sa chaise et il était penché sur les oreillers pour lui parler : il ne se sentait pas la force nécessaire pour commander à sa physionomie en ce moment ; il se penchait jusqu’à ce que ses lèvres rencontrassent la chevelure brune de sa bien-aimée, et il baisait avec passion leurs douces tresses.

La pensée lui vint qu’un jour pouvait venir où il embrasserait encore ces doux cheveux bruns avec une passion plus vive, une peine plus cruelle… quand Charlotte n’aurait plus connaissance de ses baisers… n’aurait plus de pitié pour sa peine.

« Oh ! Valentin ! s’écria Charlotte, vous pleurez, je vois votre visage dans la glace. »

Il avait oublié la glace, le petit miroir de style empire, avec un aigle aux ailes déployées qui surmontait une petite toilette.

« Je ne suis pas si mal, cher, non, en vérité, continua la jeune fille en se tournant sur son siège avec un grand effort et en saisissant la main de son fiancé. Il ne faut pas m’affliger ainsi, Valentin, cher Valentin ! Je serais mieux si je pouvais croire que prochainement je ne dois pas être séparée de vous. »

Il était complétement vaincu pour le moment.