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DU SERPENT.

était l’empereur Napoléon Ier, il se trouvait être naturellement une médiocre rareté dans un séjour où chaque misérable créature se figurait être quelqu’un ou quelque chose qu’elle n’était pas, où hommes et femmes tournaient autour de rêves incohérents, dont les sujets n’existaient plus que dans la mort, où des êtres humains, autrefois élégants et bien doués, trouvaient une extravagante et imbécile félicité dans des couronnes de paille et des décorations de papiers et de chiffons ; et, chose plus triste que tout le reste, c’était la conscience des misères qui les avait conduits à cet état. Les premiers jours il appela sa petite chambre le rocher de Sainte-Hélène et son gardien Sir Hudson Love. Il se tenait volontiers les bras croisés derrière le dos et les yeux fixés sur le sol dans l’attitude familière du général français. Son beau visage, avec sa pâleur livide, ses yeux fixes et sombres et ses cheveux noirs, coupés courts suivant les règles et la discipline de l’asile, lui donnaient un air de ressemblance avec les portraits de l’empereur, ressemblance dont il s’écartait seulement par sa taille élevée. Mais il devint plus calme de jour en jour et à la fin il ne parlait plus que pour répondre aux questions qu’on lui adressait et cela pendant huit longues années.

Dans l’automne de la huitième année, il tomba malade. Une étrange maladie, qui pouvait à peine