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LA TRACE

ment connus sous le nom de voyageurs, dont le plus pesant bagage consistait en un sac de nuit et une canne, et dont le léger ditto était composé d’un carnet de poche avec un porte-crayon en argent, véritable Protée pouvant se transformer en plume, en canif et très-souvent en cure-dent. Ces gentlemen abordèrent le steamer au dernier moment, inspirant à l’esprit des passagers nerveux une gaieté convulsive et extraordinaire par la manière dégagée et pleine d’aisance avec laquelle ils faisaient leurs adieux aux camarades venus pour les voir partir, qui les entouraient et leur parlaient de leurs soupers et des parties projetées pour les fêtes de Noël et de paris enregistrés pour le commencement du printemps aux courses de Newmarket de l’année prochaine, comme si les naufrages et les dangers qu’on court sur mer, comme si le coulage à fond du Royal Georges, qui engloutit avec lui président et brillants comédiens écossais qui se réjouissaient de retourner au pays dans lequel ils avaient été si aimés et si admirés, comme si ne jamais atteindre le rivage étaient des événements qui ne pouvaient leur arriver. Il y avait des vieillards qui tentaient ce long voyage sur un élément qu’ils connaissaient seulement de vue, se rendant à l’appel de la noble lettre d’un digne fils qui les invitait à venir partager les beaux jours qu’il avait eu tant de peine à se procurer. On voyait là de robustes travailleurs